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Photo du rédacteurEmilie Le Beuze

Financer la biodiversité : perspectives mondiales et bilan des outils financiers

Dans les dernières années, plusieurs nouvelles initiatives majeures ont émergé, à l’échelle internationale, telles que le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal et le cadre de divulgation financière liée à la nature (TNFD) afin de répondre à la dégradation rapide de la nature et de la biodiversité. Ces initiatives visent à intégrer la nature dans les décisions économiques et à répondre aux risques financiers liés à la perte de biodiversité. 


L’intérêt du secteur financier pour la biodiversité s’est particulièrement développé ces deux dernières années, notamment sous l’impulsion de ces cadres (UNEP FI et al., 2024). En parallèle, l'intensification des réglementations ESG (Environnement, Social, Gouvernance), en particulier pour les institutions financières et les entreprises, ouvre la voie à une meilleure prise en compte des enjeux de biodiversité dans les pratiques financières (Novethic, Caisse des dépôts, Acteurs de la finance durable, et Bartle, 2024).


Biodiversité, le cadre normatif et réglementaire actuel (Adapté de : Novethic et al. 2024, p.17)



À l’approche de la COP 16 sur la biodiversité, il est pertinent d’évaluer l’état actuel du financement de la biodiversité et d'examiner quels outils financiers se distinguent dans ce domaine. Cet article propose un aperçu des mécanismes de financement disponibles, tout en mettant en lumière les défis persistants et les opportunités pour l'avenir.


Tables des matières:



 

Pourquoi financer la biodiversité? : État des lieux du financement actuel


À l’échelle internationale :

Financer la biodiversité est essentiel pour préserver et restaurer les écosystèmes naturels. Selon l'OCDE, le financement mondial dédié à la biodiversité représente environ 0,1 % du PIB mondial, soit entre 78 et 91 milliards de dollars américains par an (OCDE, 2020). Cette estimation inclut les dépenses publiques et privées pour la période 2015-2017. Toutefois, le déficit de financement mondial pour la biodiversité est estimé entre 722 et 967 milliards de dollars américains en 2019, soit environ 10 fois plus que le financement actuellement consacré à la biodiversité, soulignant la nécessité de mobiliser davantage de ressources (Deutz, A. et al., 2020; Paulson Institute et al., 2021; Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021).


Actuellement, la majorité du financement provient du secteur public, avec environ 67,8 milliards de dollars américains par an, principalement issus des budgets nationaux. Le financement international s'élève à environ 6,1 milliards de dollars par an, tandis que la contribution du secteur privé reste modeste, se situant entre 6,6 et 13,6 milliards de dollars annuels. Ces chiffres sont des estimations prudentes en raison des défis liés à la collecte de données (OCDE, 2020).


Les figures ci-dessous présentent la répartition des flux financiers et des instruments de financement dédiés à la biodiversité. La figure 2 offre un aperçu des acteurs, des mécanismes et des instruments de financement, tandis que la figure 3 met en lumière le financement global de la conservation de la biodiversité en 2019.


Acteurs, mécanismes et instruments de financement. (tiré de : OCDE, 2020, p. 10)


Financement de la conservation de la biodiversité mondiale en 2019 (tiré de : Paulson Institute et al., 2021, p.11)



L'International Finance Corporation (IFC) a publié un guide sur le financement de la biodiversité, mettant en avant divers instruments financiers. Le guide catégorise les investissements en trois types principaux :

  1. Avantages additionnels pour la biodiversité : activités visant à atténuer la perte de biodiversité.

  2. Conservation et restauration de la biodiversité : financement direct pour des projets de conservation et de restauration.

  3. Solutions basées sur la nature : investissements dans des solutions qui préservent et restaurent les écosystèmes. (IFC, 2023)


En 2019, les flux financiers pour la conservation de la biodiversité étaient estimés entre 124 et 143 milliards de dollars, soit environ 0,12 à 0,14 % du PIB mondial. Les prévisions pour 2030 indiquent une augmentation, avec une part estimée entre 0,37 et 0,53 % du PIB mondial. (Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021) La mobilisation des secteurs financiers et des entreprises est d'autant plus essentielle en raison de leurs liens étroits et de leur dépendance directe à l'égard de la biodiversité.


Aperçu au Canada et au Québec :

Les réponses du Canada et du Québec en matière de financement de la biodiversité s'inscrivent actuellement dans un cadre volontaire. À la suite de l'Accord Kunming-Montréal, le Canada s'est engagé à soutenir les pays considérés en développement dans leurs efforts de restauration et de conservation de la biodiversité, avec une contribution de 350 millions de dollars. De ce montant, 200 millions seront alloués au Fonds-cadre mondial pour la biodiversité, faisant du Canada le premier donateur. Ce fonds, géré par le Fonds environnemental mondial (FEM), présente trois innovations clés : 20 % des fonds seront destinés à des initiatives autochtones, 25 % seront mobilisés via des institutions financières internationales pour attirer des ressources du secteur privé, et 36 % seront alloués aux petits États insulaires et aux pays les moins avancés. (Affaires Mondiales Canada, 2024)


Le Québec, pour sa part, s'engage, dans le cadre du Plan Nature 2030, à investir 922 millions de dollars pour renforcer la conservation de la biodiversité dans le sud de la province, où les écosystèmes sont les plus menacés. Cet investissement se décline en trois axes : protéger et restaurer la biodiversité pour assurer la résilience des écosystèmes; encourager des pratiques durables favorables à la biodiversité et améliorer l'accès à la nature; et susciter la participation de toutes les parties prenantes aux efforts de conservation. 



 

Types d'investissements favorables à la préservation de la biodiversité ou à la lutte contre sa dégradation


L’UNEP FI (l’Initiative financière du Programme des Nations unies pour l’environnement) observe une utilisation croissante de divers instruments financiers, notamment les obligations et prêts liés à la durabilité (fixed income instruments), la conversion de la dette (debt conversion), le financement mixte (blended finance), ainsi que le capital-investissement et le capital-risque (private equity and venture capital). Les fonds gérés activement et les fonds négociés en bourse (actively managed funds and exchange traded funds ou ETF) connaissent également une montée en popularité, tout comme les crédits carbone et biodiversité (carbon and biodiversity credits). En parallèle, certains thèmes gagnent en importance auprès des investisseurs, tels que la conservation dirigée par les peuples autochtones, l'alimentation et l'agriculture durables, la préservation des océans, et les solutions fondées sur la nature (Nature-based Solutions [NbS]) pour lutter contre le changement climatique. (Smith et al., 2024)


Bien que ces outils financiers soient prometteurs, il est important de souligner qu'ils sont loin d'être parfaits et que certains d'entre eux sont controversés. Nous explorerons les limites de ces mécanismes dans la deuxième partie de cet article.


Parmi les types de financements particulièrement pertinents pour la biodiversité, on retrouve les produits financiers verts, les investissements à impact positif, les NbS, les marchés du carbone, les échanges de dette pour la nature (Debt-for-Nature Swaps [DFN]), les compensations de la biodiversité (Biodiversity Offsets), ainsi que le financement des chaînes d’approvisionnement durables et la philanthropie (Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021; OCDE, 2020). Ces mécanismes sont explorés ici


Produits financiers verts 

Les produits financiers verts comprennent les obligations vertes (green bonds), les prêts verts (green loans) (y compris les prêts liés à la durabilité) et les capitaux propres verts (green equity) (Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021). D'après la Climate Bonds Initiative, le marché mondial des instruments financiers durables a atteint mille milliards de dollars américains en 2021. Les produits qui composent ce marché sont les suivants : les obligations vertes (green bonds), les obligations sociales (social bonds), les obligations durables (sustainability bonds) et les obligations de transition (sustainability-linked bonds [SLB]) avec une augmentation de 75 % des obligations vertes, qui sont en tête de liste (Climate Bonds Initiative, 2022).


Les obligations vertes sont des instruments financiers, des titres de créance à revenu fixe émis par divers acteurs tels que les gouvernements, les banques, les municipalités et les entreprises pour financer des projets favorables à l'environnement. Les obligations vertes suivent des cadres conformes aux principes de l'International Capital Market Association, promouvant la transparence et l'intégrité dans les projets de finance durable, bien que ces principes ne soient pas obligatoires. Les grands investisseurs institutionnels, telles les caisses de retraite, achètent généralement des obligations vertes en grande quantité. Les petits investisseurs, quant à eux, accèdent souvent à ces obligations par l'intermédiaire de produits financiers tels que les fonds négociés en bourse et les fonds communs de placement. Depuis l'émission initiale d'obligations vertes par la Banque mondiale en 2007, la demande pour ce type d'instrument financier a considérablement augmenté. (Nicholls Jones, 2024; OCDE, 2020) En 2015, les émissions d’obligations et d’emprunts verts s’élevaient à 42 milliards de dollars américains pour atteindre 522 milliards de dollars américains à la fin de 2021. (Climate Bonds Initiative, 2022; OCDE, 2020)


En parallèle des obligations vertes, se développe le marché émergeant des obligations bleues dites blue bonds et la finance bleue. En contribuant à la croissance économique, à l'amélioration des moyens de subsistance et à la santé des écosystèmes marins, la finance bleue offre d'importantes opportunités. L'économie océanique devrait doubler pour atteindre 3 billions de dollars d'ici 2030, créant 40 millions d'emplois. Le marché des obligations bleues est encore à un stade embryonnaire, avec un volume émis estimé entre 2 et 5 milliards de dollars. (Carenews INFO, 2022)


Investissement à impact positif (Impact Investment)

Un autre type de financement intéressant pour la biodiversité est l’investissement à impact positif. Les investissements à impact positif cherchent à générer des impacts sociaux et environnementaux positif mesurable tout en maintenant leur viabilité financière. Ce domaine gère des actifs évalués à 502 milliards de dollars américains au niveau mondial. En 2018, 4 % des 239 milliards de dollars américains gérés par les principaux investisseurs à impact positif ont été investis dans la foresterie, totalisant 9,5 milliards de dollars américains. La proportion exacte allouée à la biodiversité reste néanmoins inconnue, car les investissements dans ce domaine peuvent également viser d'autres avantages environnementaux ou sociaux. (OCDE, 2020)


Finance mixte (blended finance)

Un troisième type est la finance mixte. Elle implique l'utilisation stratégique de fonds publics pour attirer des ressources financières supplémentaires en soutien au développement durable dans les pays dits en développement. L’OCDE indique qu’entre 2000 et 2018, la finance mixte a permis d’accumuler 3,1 milliards de dollars américains en faveur de la biodiversité. Également, l’OCDE souligne que les obligations vertes, l'investissement à impact positif et le financement mixte ne sont pas mutuellement exclusifs. (OECD, 2020) 


Solutions fondées sur la nature (NBS), adaptation fondée sur les écosystèmes (EbA) et marchés du carbone (nature-based solutions and carbon markets)

La plupart des marchés du carbone de conformité découlent de réglementations, souvent sous forme de taxes sur le carbone ou de systèmes de plafonnement et d'échange (Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021). Les investissements dans les NbS comme la restauration des forêts ou la protection des zones humides, sont souvent financés par les marchés du carbone volontaires ou de conformité. Ces projets visent à capturer le carbone, offrant ainsi des crédits carbone tout en ayant un impact positif sur la biodiversité.


Échanges de dette pour la nature (debt-for-nature swap ou DFN swap)

Les échanges de dette pour la nature sont des transactions où les pays ou entités contributeurs achètent et annulent une partie de la dette d'un pays bénéficiaire en échange de son engagement à investir dans la conservation. Les fonds provenant de ces échanges peuvent être utilisés pour amorcer des fonds environnementaux. (Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021, p. 36 – 37)


Les compensations de la biodiversité (biodiversity offsets)

Les compensations de la biodiversité sont des mécanismes réglementaires qui visent à compenser les impacts environnementaux négatifs résultant de l'activité économique dans une zone spécifique. Elles impliquent la restauration, l'amélioration et la protection de ressources équivalentes ailleurs. Ces compensations, dernier recours de la hiérarchie d'atténuation, cherchent à éviter toute perte nette de biodiversité. Chaque année, entre 6 et 9 milliards de dollars américains sont investis dans la conservation à l'aide de ces mécanismes. (Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021, p. 36 – 37) Les crédits à la biodiversité sont des outils controversés dont les avantages sont remis en question par de nombreux experts ; nous les aborderons plus en détail dans la section dédiée aux limites.


Chaînes d’approvisionnement durable 

Les chaînes d'approvisionnement durables se posent comme un levier important pour préserver la biodiversité. Elles ont historiquement exercé une pression négative sur la biodiversité, en particulier à travers des secteurs tels que l’agriculture, la foresterie, la pêche et l’exploitation minière. Ces activités ont souvent conduit à la déforestation et à la dégradation des habitats, compromettant ainsi la diversité biologique essentielle à la santé des écosystèmes. En adaptant les pratiques de production aux objectifs ESG des entreprises, il est possible d’atténuer ces effets nocifs tout en soutenant des initiatives bénéfiques pour la biodiversité. Une transition vers des pratiques plus responsables ouvre des opportunités pour préserver des habitats clés et garantir des revenus durables. Les marchés de produits de base certifiés durables contribuent à la conservation de la biodiversité, avec un investissement annuel estimé entre 5 et 8 milliards de dollars américains. (Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021, p. 36 – 37)


La philanthropie

La philanthropie comme source de financement englobe les contributions des fondations privées, des fondations liées aux entreprises et des organismes de conservation. Ces grandes fondations philanthropiques génèrent des revenus à partir d’une dotation initiale gérée à perpétuité, et le financement disponible est estimé à 2 à 3 milliards de dollars américains par an. (Tobin-de la Puente et Mitchell, 2021, p. 36 – 37)



 

Limites du financement et des outils financiers

Malgré l'émergence de nombreux outils financiers visant à soutenir la conservation de la biodiversité, plusieurs limites importantes freinent leur efficacité et soulèvent des controverses.


Retrait des subventions néfastes

Chaque année, près de 7 milliards de dollars sont investis dans des activités nuisibles à la nature, exacerbant la dégradation de la biodiversité et le changement climatique. Ce montant est 30 fois supérieur à celui alloué aux NbS, selon le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE/UNEP). Ces financements représentent 7 % du PIB mondial, avec 5 milliards provenant du secteur privé, concentrés dans des secteurs comme la construction, l'énergie, et les industries fossiles. Les gouvernements dépensent également 1,700 milliards de dollars en subventions néfastes, dépassant largement les investissements en faveur de la nature qui, eux, se situent à environ 0,1 % du PIB.


Subventions ayant un effet nuisible et flux financiers mondiaux en faveur de la conservation de la biodiversité (estimations supérieures, en milliards de dollars américains de 2019 par an) (tiré de : Paulson Institute et al., 2021, p. 12)



Il est crucial de réorienter ces subventions vers des projets favorisant la biodiversité et le climat, tout en taxant les activités nuisibles pour créer un cadre économique soutenant une transition durable.


Produits financiers controversés 

Certains instruments financiers, tels que les obligations vertes (« green bonds ») et les mécanismes de compensation biodiversité (« biodiversity offsets »), suscitent de nombreuses critiques. Bien qu'ils soient présentés comme des solutions pour financer la conservation, ces mécanismes présentent plusieurs limites majeures. Ils peuvent détourner l'attention de la nécessité de réduire les impacts négatifs sur la nature, permettant ainsi aux entreprises de compenser plutôt que de minimiser leurs dommages.


Les crédits et compensations de biodiversité sont souvent coûteux et inefficaces, et ils peuvent également entraîner des violations des droits humains, reproduisant les problèmes observés sur les marchés du carbone. De plus, ces outils sont perçus comme des instruments d'écoblanchiment, ou greenwashing, car ils peuvent être achetés sans réelle intention de protéger la biodiversité. Leur utilisation risque de retarder des actions urgentes nécessaires pour traiter les causes profondes de la perte de biodiversité, telles que la réforme des subventions nuisibles à la nature. Enfin, les crédits de biodiversité ne tiennent pas compte des impacts environnementaux réels, ce qui soulève des inquiétudes quant à leur véritable efficacité pour préserver les écosystèmes et compromet la confiance du public dans ces mécanismes. (Ferraglioni, 2024) 


Un point de vigilance supplémentaire concerne les NbS, souvent financées via les marchés du carbone. Selon The Land Gap report, un rapport publié en 2022, il n'existe pas suffisamment de terres disponibles pour réaliser toutes les promesses des entreprises en matière de plantation d'arbres, ce qui remet en question la capacité de ces entreprises à respecter leurs engagements. Si toutes les promesses de plantation étaient honorées, cela ne serait même pas physiquement possible (The Land Gap Report, 2022) . Cette limite souligne la nécessité d'une approche plus réaliste et intégrée des systèmes de marché carbone et des compensations, tout en mettant en lumière les défis pour la préservation de la biodiversité.


Valorisation de la nature 

La valorisation de la biodiversité à travers des outils économiques traditionnels montre ses limites, car elle réduit souvent les écosystèmes complexes à des valeurs monétaires simplifiées. Cela entraîne une sous-évaluation des risques réels liés à la perte de biodiversité, limitant ainsi l'impact positif que ces outils financiers pourraient avoir.


Manque de mécanismes financiers innovants 

Le manque de solutions financières pour combler l'écart entre l'incubation des projets de conservation et leur expansion commerciale est criant. Les projets biodiversité, bien qu’identifiés comme stratégiques, peinent à attirer des fonds suffisants. Le développement de mécanismes financiers innovants, comme ceux présentés par la Coalition pour l'investissement privé dans la conservation (CPIC), est crucial pour combler ce déficit de financement.


Continuum de capitaux pour les solutions fondées sur la nature (tiré de : UNEP FI et al., 2024, p. 7)

Complexité et régulation des taxonomies 

L'absence d'une taxonomie financière uniforme représente un défi pour les investisseurs cherchant à comparer différents instruments financiers durables. Bien que des efforts aient été faits avec des réglementations comme celle de l'UE, une harmonisation mondiale est encore nécessaire pour garantir la crédibilité et l'efficacité de ces outils. (Le Beuze, 2024)


 

Limites additionnelles : cadres réglementaires et contexte global


Écart de financement

La biodiversité souffre d’un déficit de financement significatif, estimé entre 722 et 967 milliards USD. Rappelons encore que le financement actuel ne représente que 0,12 à 0,14 % du PIB mondial.


Insuffisance des cadres réglementaires 

Bien que des initiatives telles que le TNFD (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures) et l’Accord Kunming-Montréal aient établi des cadres de référence, la réglementation demeure insuffisante. Les obligations restent largement volontaires et manquent de force contraignante, limitant leur efficacité. La transparence et la lutte contre l’écoblanchiment nécessitent également un renforcement des certifications.


Critères fondamentaux et KPI

Pour garantir un financement adéquat de la biodiversité, il est crucial de définir des critères essentiels tels que les seuils minimums et les objectifs de conservation. Plusieurs études ont permis de mieux comprendre ces exigences. Une étude de Rompré et al. (2010) indique qu’un seuil critique de 30 % à 40 % d’habitat est nécessaire pour la survie des espèces à grand domaine vital, comme celles vivant dans les vieilles forêts perturbées naturellement. Pour assurer leur protection et pallier l’incertitude, il est recommandé de maintenir au moins 40 % des habitats, une proportion considérée comme le minimum acceptable selon le principe de précaution. Une autre étude, Safe and just Earth system boundaries menée par Johan Rockström (2023), propose des limites globales pour la biodiversité. L’étude recommande de conserver entre 50 % et 60 % d’écosystèmes intacts à l’échelle mondiale, tout en préservant un minimum de 20 % à 25 % d'écosystèmes fonctionnels par kilomètre carré dans les zones habitées. Ce seuil est essentiel pour maintenir les services écosystémiques vitaux, indispensables au bien-être humain.


Aujourd’hui, la cible de référence, largement acceptée et promue, est de 30 % de conservation des écosystèmes, une proportion devenue clé dans les efforts mondiaux de préservation de la biodiversité (Campaign for nature, 2021).

 

La prise en compte de l'irréversibilité des dommages sur les écosystèmes et l'application du principe de précaution sont également essentiels. La dimension spatiale est également clé, avec des analyses multi-échelles pour mesurer les effets locaux, nationaux et internationaux des actions. Parallèlement, il est indispensable d'assurer la transparence et la reddition de comptes, en rendant publics les résultats des actions des acteurs économiques et financiers.

 

La mise en place de KPI mesurables et le développement d'outils financiers innovants, en collaboration avec le secteur privé et les gouvernements, sont essentiels pour garantir que ces critères se traduisent par des actions concrètes et des résultats tangibles. Enfin, une vision à long terme est cruciale pour aligner les financements sur les cycles de régénération des écosystèmes et assurer la durabilité des changements.


Manque de données et difficultés d'évaluation 

Dans certaines régions et pays, les données fiables sur la biodiversité sont rares et difficilement accessibles, rendant l’évaluation des risques pour les entreprises complexe. Bien qu'elles ne soient pas totalement absentes au Québec, leur accessibilité reste un défi. La nature complexe et imprévisible de la biodiversité pose un obstacle majeur à l’intégration de ces données dans les processus de décision économique et financière.


Complexité géopolitique 

Les enjeux géopolitiques, tels que les conflits armés et la non-priorisation des enjeux environnementaux par certains gouvernements, ralentissent la mise en œuvre de politiques internationales favorables à la biodiversité. Ce contexte instable ajoute des risques supplémentaires pour les avancées en matière de financement et de protection de la biodiversité.


Incohérence dans les critères ESG 

La transformation des critères ESG en mesures concrètes et fonctionnelles est difficile. Les critères varient selon les secteurs d’activité, et des indicateurs spécifiques adaptés à la biodiversité sont encore en développement. Cela complexifie l’intégration des considérations environnementales dans les décisions économiques. (Le Beuze, 2024)


 

Conclusion

Bien que des progrès aient été réalisés dans la prise en compte de la biodiversité au sein des décisions économiques, les défis financiers et réglementaires persistent. En attendant, il est crucial d'agir rapidement face à cette crise majeure. Certains acteurs mettent déjà en place des projets ambitieux malgré les contraintes. L'harmonisation des cadres, la création de produits financiers véritablement durables, et le renforcement de la régulation sont des étapes essentielles pour assurer un financement adéquat de la biodiversité. Des outils plus concrets et innovants doivent être développés pour que les entreprises et les financiers puissent répondre de manière significative aux défis de la conservation et de la restauration des écosystèmes. Les attentes sont grandes pour la COP 16, où il sera nécéssaire de voir se renforcer le cadre Kunming-Montréal adopté en 2022. 



 

Pour aller plus loin : 


 

Références


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