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Photo du rédacteurLaura Fequino

Négociations intersessions de la CDB à Nairobi : quoi retenir?

Du 13 au 29 mai 2024, des négociations intersessions de la Convention sur la diversité biologique (CDB) se sont déroulées à Nairobi. La 26e rencontre de l’organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SBSTTA 26) s’est tenue du 13 au 18 mai, alors que la 4e rencontre de l’organe subsidiaire de mise en œuvre (SBI 4) s’est déroulée du 21 au 29 mai. À seulement quelques mois de la 16e Conférence des Parties sur la diversité biologique (COP 16), qui se tiendra à Cali (Colombie) dès le 21 octobre 2024, les intersessions de Nairobi s’avéraient des occasions à saisir pour façonner et faire progresser les textes qui seront négociés à la COP 16. Ces séances de travail s’inscrivent donc dans le chemin pour atteindre Le plan pour la biodiversité, qui consiste à mettre en œuvre les visées du Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal à l’horizon 2030

Photo par IISD/ENB | Mike Muzurakis


[Nos articles vulgarisent des sujets et des négociations complexes. Pour des détails sur les textes de négociation et leurs nuances, veuillez visiter les sites de la CBD, de l'UNFCCC et de l'IISD.]


La 26e rencontre de l’organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SBSTTA 26) 


L’objectif de cette 26e réunion du SBSTTA était de jeter les bases scientifiques favorisant une mise en œuvre réussie du cadre mondial Kunming-Montréal. Il s’agissait d’identifier des moyens pour traduire le cadre en actions qui pourraient concrètement s’insérer dans les différentes échelles de gouvernance, allant du niveau local au niveau mondial

Plusieurs ont  soulevé qu’il est essentiel de prioriser une approche basée sur les droits humains, d’inclure les communautés autochtones.

Le groupe de travail ad hoc d’experts techniques (AHTEG) a d’ailleurs présenté son travail sur les indicateurs visant à mesurer la progression des objectifs du cadre mondial. Du travail en ce sens reste tout de même à réaliser d’ici la COP 16, notamment au niveau des systèmes nationaux de suivi qui, selon plusieurs délégations présentes, constituent un sujet prioritaire pour mesurer l’ampleur des avancements.


Plusieurs personnes déléguées et organismes non gouvernementaux (ONG), dont le Forum autochtone international sur la biodiversité (IIFB), le Réseau mondial des jeunes pour la biodiversité (GYBN) et Amnistie internationale, ont  soulevé qu’il est essentiel de prioriser une approche basée sur les droits humains, d’inclure les communautés autochtones dans les démarches de suivi et de considérer le rôle clé que ces communautés jouent dans la préservation et le suivi de l’état de la biodiversité. La recommandation 26/2 encourage la collaboration avec les communautés autochtones (art. 4. a)), mais l’approche basée sur les droits humains n’a pas été inclue dans le texte. La présidence de la COP 16 a tout de même énoncé une ouverture à ce sujet, qui reviendra sans doute aux négociations de la COP 16. 


Au terme du SBSTTA 26, qui s’est clos le 18 mai, les textes adoptés sous forme de recommandations, seront transmis à la COP 16, constituant ainsi la base des négociations qui auront lieu à Cali en octobre 2024. Les recommandations portent notamment sur le cadre de suivi du cadre mondial à l’horizon 2030, sur la conservation de la biodiversité marine et côtière, ainsi que sur le lien entre la biodiversité et la santé. Plusieurs personnes déléguées ont salué les résultats de la réunion, la percevant comme un exercice significatif pour la traduction de la science en politiques. La présidente du SBSTTA souligne que la 26e rencontre du SBSTTA a été particulièrement fructueuse, mettant ainsi la table à une COP 16 avisée.


La 4e rencontre de l’organe subsidiaire de mise en œuvre (SBI 4)


Deux jours après la fin du SBSTTA 26, la 4e réunion du SBI a été entamée. Les discussions se sont notamment concentrées sur le suivi du progrès dans la mise à jour des stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (NBSAP), l’examen de la mise en œuvre du cadre mondial Kunming-Montréal et l’intégration de la biodiversité. 


Plusieurs délégations ont présenté des avancements quant à leur NBSAP respectif. Constituant le principal instrument de mise en œuvre de la CDB, les NBSAP doivent démontrer les efforts déployés par les États pour adopter des politiques conformes aux cibles du cadre Kunming-Montréal. Considérant toutefois qu’un nombre limité de NBSAP est actuellement mis à jour et que ceux-ci sont primordiaux pour répondre collectivement aux objectifs du cadre mondial, des personnes déléguées ont suggéré l’imposition d’une date limite plus stricte pour la soumission des NBSAP. Le Canada travaille actuellement sur son NBSAP et affirme que ce dernier sera publié avant le début de la COP 16. Une version provisoire est d’ailleurs disponible pour consultation. 

Un grand nombre de personnes déléguées ont appelé à une approche qui inclut l’ensemble des acteurs de la société et l’ensemble des paliers de gouvernement.

Un grand nombre de personnes déléguées ont appelé à une approche qui inclut l’ensemble des acteurs de la société et l’ensemble des paliers de gouvernement, encourageant les dialogues régionaux et multiacteurs. Dans cette même veine, les délégations présentes ont reconnu l’importance de l’intégration de la biodiversité dans toutes les échelles de gouvernement et dans tous les secteurs, et ce, dans une optique allant jusqu’au long terme. Si l’intégration à long terme est évoquée dans l’accord Kunming-Montréal, plusieurs personnes déléguées ont souligné que l’accord adopté en 2022 ne contient pas d’orientations ni de repères clairs pouvant soutenir les efforts d’intégration à long terme pour les divers secteurs ni l’ensemble de la chaîne de valeurs. 


En plus de la mise à jour des modèles pour les rapports nationaux divulguant la progression de chaque État en trait aux cibles établies par le cadre mondial, la création de nouveaux modèles pour les rapports de divulgation d’acteurs non étatiques souhaitant prendre des engagements volontaires a été abordée. Cela s’est fait en réitérant la transparence dont il faut faire preuve dans ces processus afin de prévenir les risques d’écoblanchiment et diminuer les subventions néfastes pour la biodiversité, conformément à la cible 18 du cadre mondial. Les discussions ont aussi porté sur la destination desdits rapports : certaines délégations suggéreraient que ceux-ci soient recueillis dans une instance internationale, alors que d’autres préconisent la reddition des comptes au niveau national.


Des personnes déléguées ont préconisé l’adoption de cadres réglementaires solides et d’engagements mesurables, notamment en vue de rediriger les subventions néfastes vers la réalisation des NBSAP et favoriser la mise en place d’incitatifs bénéficiant l’action pour la protection de la biodiversité, afin d’aligner les politiques et les flux financiers sur le cadre mondial. L’évaluation de la mise en œuvre des engagements, dont les NBSAP, est clé, car un examen global de l’implémentation du cadre mondial est prévu d’ici 2026, afin de réaligner le tir au besoin.

La mobilisation des ressources financières a été un sujet controversé et le sera assurément à la COP 16.

La mobilisation des ressources financières vers les pays plus vulnérables, mais également vers certains secteurs d’activité au niveau national, a été un sujet controversé et le sera assurément à la COP 16. En effet, la mobilisation effective des ressources financières internationales ne devra pas trop tarder, considérant que la date butoir du cadre mondial adopté en 2022 arrive déjà dans moins de 6 ans. Plus précisément, il est attendu qu’au moins 30 milliards de dollars soient mobilisés, par an, d’ici 2030. 

Le Gouvernement du Canada effectue présentement une consultation sur son engagement international en matière de financement du climat et de la nature après 2025–2026. Participez à la consultation.

Ultimement, les délibérations du SBI 4 se sont terminées par un ensemble de recommandations, quoique parsemées de nombreux crochets à enlever. Les phrases entre crochets représentent des points litigieux dont le traitement devra poursuivre à la COP 16. Comme l’ordre du jour du SBI 4 était extrêmement chargé, certains points de l’ordre du jour n’ont pas pu être pleinement abordés, ce qui risque de requérir un travail considérable pour parvenir à un consensus durant la COP 16. Par exemple, le sujet de la communication, l’éducation et la sensibilisation du public (CEPA) a été effleuré et restera en suspens jusqu’à la COP 16, par manque de temps.


En route vers la COP 16


Au terme des intersessions de Nairobi, des étapes importantes préalables à la COP 16 ont tout de même été franchies. Celles-ci s’insèrent dans le cheminement pour relever le défi d’atteindre les objectifs fixés par l’accord Kunming-Montréal d’ici 2030, et ce, en priorisant une gouvernance à niveaux multiples et l’inclusion des différents acteurs de la société, y compris les communautés autochtones, en route vers la paz con la naturaleza (paix avec la nature), qui est le slogan de la COP 16. 


 

Pour information:

Laura Fequino, analyste politique

Ateliers pour la biodiversité


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