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Négociations de Montréal sur le partage des bénéfices (WGDSI-2) : quoi retenir?

Du 12 au 16 août 2024 s’est déroulée la 2e réunion du Groupe de travail spécial à composition non limitée sur le partage des avantages issus de l'utilisation de l'information de séquençage numérique des ressources génétiques (WGDSI-2), à Montréal. Cette réunion s’inscrit dans la trame de négociations sur le partage juste et équitable des bénéfices découlant des ressources génétiques, et plus précisément des avantages découlant des informations de séquençage numérique (DSI). À deux mois du début de la 16e Conférence des Parties (COP16) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui se tiendra du 21 octobre au 1er novembre 2024 à Cali (Colombie), le WGDSI-2 a fait converger près de 250 personnes participantes représentant une diversité de secteurs à Montréal. 


Crédit photo: IISD Earth Negotiations Bulletin


Pourquoi parle-t-on de partage des avantages issus des DSI?

Le partage des avantages issus des informations de séquençage numérique (DSI) fait écho au troisième objectif de la Convention sur la diversité biologique (CDB) ainsi qu’à l’objectif C du Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal, qui portent tous les deux sur le partage juste et équitable des bénéfices issus de l’utilisation des ressources génétiques. Historiquement, le partage des bénéfices découlant de ces ressources est une question qui est source de tension et de négociation où les pays qui fournissent les ressources génétiques et les pays qui utilisent ces ressources recherchent un terrain d’entente. 


Des acteurs non gouvernementaux, dont des membres de la communauté scientifique, du secteur privé, des communautés autochtones et de la société civile, gravitent et suivent de près l’évolution des négociations entourant cette question. Rappelons cependant que, bien que ces acteurs puissent prendre la parole et tenter d’influencer les négociations, ce sont les gouvernements qui ont le pouvoir décisionnel.


La session du WGDSI-2 s’est terminée le vendredi 16 août tard en soirée, aux alentours de 21h, laissant de nombreux points de désaccord sur le texte final que le WGDSI-2 transmet à la COP16 sous forme de recommandation. 


Principaux résultats du WGDSI-2

Les délégations gouvernementales présentes au WGDSI-2 avaient la mission de négocier les modalités de mise en œuvre d’un mécanisme multilatéral permettant le partage des bénéfices tirés de l'utilisation des DSI, y compris les modalités de compensations financières.

Le texte final contient néanmoins de nombreuses zones grises que les négociations de la COP16 devront clarifier afin de permettre une mise en œuvre effective du mécanisme et du financement. 

Si l’ensemble des Parties s’entendaient sur la nécessité de mettre en œuvre un mécanisme et de mobiliser des ressources financières pour assurer un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des DSI, le texte final contient néanmoins de nombreuses zones grises que les négociations de la COP16 devront clarifier afin de permettre une mise en œuvre effective du mécanisme et du financement. Plusieurs avenues et options figurent dans le texte entre crochets, mais la COP16 aura l’exigeante tâche d’écarter certaines propositions et enlever les crochets des propositions qui font le plus grand consensus, afin de les formaliser. 

La grande question est : qui va contribuer – notamment sur le plan financier – et comment? 

La grande question qui reste demeure et qui devra être répondue à la COP16 est : qui va contribuer – notamment sur le plan financier – et comment


En plus du financement public, l’introduction d’un financement supplémentaire issu du secteur privé a été mise de l’avant. Bien que cette idée ait été accueillie favorablement, ses modalités restent à déterminer. Notons que certains gouvernements préconisaient que le secteur privé ait l’obligation de fournir un financement, alors que d’autres souhaitaient qu’il s’agisse d’une initiative volontaire. Trancher entre le verbe doit et peut sera probablement le fruit de nombreuses heures de délibération et de compromis au terme de la COP16. 


Il reste également à déterminer comment les contributions du secteur privé seront calculées. Par exemple : est-ce que les acteurs ciblés devront fournir un pourcentage tiré de la vente des produits qui utilisent les DSI? Est-ce que ce sera un pourcentage du profit total d’une entreprise? De plus, il conviendra de spécifier quels acteurs et industries du secteur privé seront plus précisément ciblés, notamment en spécifiant sur quels critères. 


Parallèlement, il faudra établir les modalités de distribution des fonds. Par exemple : les ressources financières iront-elles aux pays ou à des projets précis qui sont possiblement administrés par des acteurs non étatiques? Sur la base de quels critères exactement déterminera-t-on l’ampleur du financement auquel les bénéficiaires ont le droit? Finalement, il y a aussi des bénéfices non monétaires dont les modalités de distribution devront être établies, car certains avantages issus des DSI peuvent être de nature non monétaire. Pensons au partage en accès libre des DSI et des connaissances scientifiques, techniques et technologiques reliées.


Le secteur privé, un utilisateur majeur

Le secteur privé et la communauté scientifique sont les principaux utilisateurs des ressources génétiques et des DSI, qui jouent un rôle central dans le développement de nouveaux produits et technologies. Pensons au secteur pharmaceutique ou à celui des cosmétiques, qui sont particulièrement dépendants de l’accès ouvert aux DSI. Considérant l’usage que le secteur privé en fait, de nombreux acteurs soutiennent que celui-ci doit contribuer au partage des avantages issus de l’utilisation des DSI. 


Bien que la majorité de la communauté internationale s’entende sur les bienfaits de garder un accès ouvert aux DSI, notamment dans une optique d’accroître la collaboration scientifique internationale, les modalités de cet accès sont cependant sujet de tensions. Par exemple, des pays fournisseurs de ressources génétiques aimeraient que la provenance des DSI soit indiquée dans les banques de données en accès libre, afin de reconnaître de quels États les DSI en question proviennent. Dans la même veine, cette tranche de pays aimerait pouvoir accéder aux progrès qui découlent de leurs DSI qui sont rendues publiques. 


Au-delà d’une vision étatique, il convient de souligner que les ressources génétiques et les DSI se trouvent sur de nombreux territoires des communautés autochtones et locales. Ces communautés revendiquent également leur droit de jouir des avantages issus des DSI que d’autres puisent sur leurs terres. Ce faisant, il est attendu que la COP16 détermine comment une portion des avantages tirés de l’utilisation du DSI puisse effectivement retourner à ces communautés, reconnaissant d’ailleurs que ces communautés jouent un rôle central dans la conservation de la nature et de ses ressources. 


Quel effet pour les États et les villes?

Les discussions du WGDSI-2 n’affectent pas les États ni les villes dans l’immédiat, puisque les modalités du mécanisme et du financement demeurent une question irrésolue pour l’instant. Néanmoins, une fois que la COP16 aura adopté les modalités du mécanisme et du financement, les États devront en assurer l’implémentation. En pratique, cela veut dire que chaque État devra adapter sa législation afin de mettre en œuvre les moyens pour que le mécanisme adopté par la communauté internationale soit appliqué sur le plan domestique. 


Comme les ressources génétiques et les DSI se trouvent sur le plan local, les villes et municipalités, qui sont le palier de proximité par excellence, seront les maîtres d’œuvre qui devront se conformer à ce qui aura été adopté à la COP16. 


Le Canada, qui s’est montré favorable à l’accès ouvert des DSI et au partage des avantages avec les communautés autochtones, devra veiller à : rendre les données accessibles aux communautés, adapter sa législation et responsabiliser son secteur privé, le tout en fonction du texte final qui émanera de la COP16.


Une COP16 chargée à l’horizon

Considérant que la majeure partie du texte final du WGDSI-2 est entre crochets, les Parties qui seront réunies à Cali en octobre 2024 devront déployer des efforts substantiels pour parvenir à des compromis et aboutir à un texte final qui devra être adopté sans crochets. Le mécanisme, le financement et l’ensemble de leurs modalités respectives devraient donc être connus au terme de la COP16. 

Des efforts substantiels pour parvenir à des compromis et aboutir à un texte final qui devra être adopté sans crochets.

Ce processus devra d’ailleurs tenir compte des autres instruments internationaux qui traitent de l’utilisation et du partage des avantages des DSI (comme le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, ou encore le protocole de Nagoya de la CBD), dans un souci d’être en cohérence avec ceux-ci et éviter de susciter des contradictions.

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