Le 7 octobre 2024, le gouvernement du Québec a publié son Plan nature 2030 ainsi qu’un plan d’action associé à sa mise en œuvre pour la période 2024-2028. Celui-ci vise à mettre en œuvre, à l’échelle du Québec, les engagements du Cadre mondial sur la biodiversité Kunming-Montréal, qui a été adopté lors de la COP15 en décembre 2022.
Dans la présente analyse, nous examinerons si le Plan nature constitue une feuille de route adéquatement élaborée pour atteindre les aspirations du Cadre mondial et s’il facilitera l’atteinte de la vision notre organisme d’un monde où la biodiversité est considérée dans chaque décision.
Survol du Plan nature 2030Le Plan nature constitue une feuille de route pour atteindre les cibles, la mission et la vision du Cadre mondial dans un contexte québécois, dans l’objectif d’assurer que le Québec fasse sa part face au déclin sans précédent de la biodiversité. Au cours de l’année 2023, des consultations ont été menées auprès de plus de 2000 parties prenantes pour façonner l’élaboration du Plan nature. Au terme de ces consultations, la publication de ce dernier est animée par une vision à l’horizon 2030 : « Le Québec protège, restaure et utilise durablement son patrimoine naturel, de façon à préserver la biodiversité et ses fonctions écologiques, tout en améliorant l’accès à la nature et la qualité de vie des générations actuelles et futures ». Transversalement, le Plan nature met de l’avant des références aux retombées bénéfiques pour l’économie, pour les sociétés, pour le climat et pour les écosystèmes. Afin que sa vision à l’horizon 2030 soit matérialisée dans six ans, le Plan nature contient un total de 14 cibles à atteindre, regroupées sous trois axes d’intervention :
À son tour, le déploiement de ces trois axes d’intervention s’appuie sur quatre assises principales : impliquer les Premières Nations et les Inuits, engager et mobiliser activement l’ensemble de la société, stimuler les échanges et les synergies et favoriser l’accès à la nature. Afin d’atteindre les 14 cibles proposées, le Plan nature est assorti d’un investissement de 922 millions. Il s’agit d’un financement historique pour la biodiversité au Québec, à un moment critique pour la biodiversité locale et mondiale. La répartition des sommes et les mesures de mise en œuvre sont spécifiées dans le Plan d’action 2024-2028, qui accompagne le Plan nature. Le dévoilement du plan survient deux semaines avant la COP16, conformément à l’engagement pris par le gouvernement du Québec. |
Rappel de la mission d’Ateliers pour la biodiversitéSensibiliser à la valeur et aux enjeux de la biodiversité et afin de mobiliser les acteurs pour qu’ils intègrent la biodiversité dans leurs décisions — afin d’atteindre notre vision d’un monde où la biodiversité est considérée dans chaque décision. |
Analyse des trois axes du Plan Nature
La partie suivante se penche en détail sur le Plan nature et son Plan d’action 2024-2028, dans l’optique de soulever ses points forts, ses lacunes et les angles morts qui seront à surveiller pour sa mise en œuvre.
Dans l’esprit de la mission et des aires d’intervention d’Ateliers pour la biodiversité, nous commençons par analyser l’axe 3 du Plan nature, qui porte sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la société, y compris le secteur privé et les municipalités. Suivrons ensuite l’analyse de l’axe 2, puis de l’axe 1.
Axe 3 : mobiliser l’ensemble de la société… mais avec peu de moyens
Le troisième axe regroupe six cibles, ce qui en fait l’axe ayant le plus grand nombre de cibles à atteindre. Ces cibles portent sur une diversité de sujets : intégration de la biodiversité dans la gouvernance, mobilisation du secteur privé, consommation durable, mobilisation de ressources financières, mise en valeur du leadership autochtone, sensibilisation, soutien d’initiatives locales québécoises et coopération internationale.
Assorti d’un financement de 95,7 millions de dollars sur le budget total cumulant 922 millions, l’axe 3 est celui recueillant la portion la plus restreinte du financement. L’axe 3 est pourtant celui qui a pour mission de mobiliser toute la société, y compris les acteurs du secteur privé qui ont des impacts substantiels sur la biodiversité. Les ressources allouées à la tâche d’amener les différents secteurs à adapter leurs pratiques au bénéfice de la biodiversité nous apparaissent donc limitées.
Intégration de la biodiversité à l’action gouvernementale
La cible 9 du Plan nature vise à intégrer la prise en compte des effets sur la biodiversité lors de l’octroi de subventions, conformément à la cible 18 du Cadre mondial. Comme indiqué dans les indicateurs de suivi du Plan d’action 2024-2028, le nombre de politiques gouvernementales créées en faveur de la biodiversité sera clé, puisque la mise à jour du cadre législatif est la façon la plus prometteuse pour que les acteurs de l’État intègrent réellement la biodiversité dans leurs interventions, conformément aux lois mises en place. Pour atteindre un changement transformateur, comme demandé par le Cadre mondial et la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES — l’équivalent du GIEC, mais en matière de biodiversité), les adaptations au niveau structurel doivent faire partie de la feuille de route.
Les détails sur le partage des travaux entre les ministères, les organismes publics, entre les paliers de gouvernance, ou encore sur la reddition de comptes, ne sont toutefois pas indiqués dans le plan d’action 2024-2028. Pour que le soutien à la biodiversité fasse partie intégrante des activités gouvernementales, l’ensemble des ministères et organismes devront participer activement à cette intégration dans leurs activités respectives. Autrement, le Plan nature serait à risque d’être un plan mobilisant principalement le MELCCFP, alors qu’il est important qu’il mobilise l’ensemble du gouvernement.
Quant au budget total du Plan nature, remarquons qu’il est concentré dans le MELCCFP, suivi du ministère des Ressources naturelles et des Forêts, puis du ministère de l’Agriculture, des Pêches et de l’Alimentation.
Moins de 5 % du budget est alloué aux autres ministères, y compris celui des Affaires municipales et de l’Habitation. Dans la mesure où les villes et les municipalités sont aux premières lignes de la protection de la biodiversité et de l’aménagement du territoire, il est possible que les transferts financiers vers ce palier de gouvernance fassent l’objet d’enjeux à l’heure de mettre en œuvre le Plan d’action. Même si le financement n’est pas le seul défi au niveau de la mise en œuvre d’action en faveur pour la biodiversité au niveau municipal, comme démontré dans notre rapport « Municipalités et protection de la biodiversité », il demeure un enjeu important.
Remarquons également que le Plan d’action ne réserve aucune somme au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, tandis que l’intégration de la protection de la biodiversité dans les objectifs de ce ministère est cruciale pour se conformer à la vision du Cadre mondial qui, rappelons-le, constitue le minimum à atteindre par les États nationaux et infranationaux.
Le rôle du secteur privé
Considérant l’ampleur de l’impact que les activités du secteur privé ont sur la biodiversité, et considérant la nécessité de réorienter les flux publics et privés, la cible 10 du Plan nature sur l’aide aux entreprises et aux investisseurs à agir en faveur de la biodiversité est cruciale. Le montant qui est dédié à cet appui, qui représente 1,24 % du budget total du Plan nature, peut paraître insuffisant au regard du rôle que jouent ces acteurs. Non seulement ces acteurs et leurs chaînes de valeurs ont des impacts directs sur la biodiversité, mais ils peuvent également participer à la création d’opportunités en réorientant leurs flux financiers vers des activités respectueuses de la biodiversité. Des investissements accrus et un cadre réglementaire solide traçant la voie à suivre pour respecter la vision du Cadre mondial — et celle du Plan nature — semblent incontournables afin d’éviter une deuxième non-atteinte des objectifs, comme ce fut le cas pour les objectifs d’Aichi (2011-2020), au Québec comme ailleurs dans le monde.
Le développement d’outils d’aide à la décision et de divulgation des impacts, prévus dans le Plan d’action 2024-2028, pourrait ne pas être suffisant pour mobiliser l’ensemble des entreprises et des investisseurs.
Les ambitions telles que présentées pour l’instant dans le Plan d’action 2024-2028 restent plutôt vagues et limitées du côté de la mobilisation du secteur privé. En comparaison, le plan d’action pour la biodiversité de l’Union européenne propose des actions beaucoup plus claires et qui vont plus loin que la simple valorisation de la biodiversité et le ressort aux actions volontaires de la part des principales parties prenantes.
À l’heure où plusieurs gouvernements et réseaux tant internationaux qu’infranationaux cherchent comment mobiliser le secteur privé et les acteurs économiques, le Québec pourrait se placer comme chef de file en stimulant l’implication et l’engagement du secteur privé et des investisseurs québécois. Il s’agit d’une opportunité pour faire preuve d’ambition en mobilisant et impliquant l’ensemble de la société dans la construction de nouveaux paradigmes compatibles avec une société qui vit en harmonie avec la nature et qui préserve les bienfaits fournis par les services écosystémiques.
Collaboration entre acteurs
La mise en place d’une table de concertation entre le gouvernement et les communautés autochtones au sujet de la mise en œuvre du Plan nature est fort pertinente (Cible 13). Pour aller plus loin dans cette collaboration multiacteurs et pour susciter la mobilisation de l’ensemble de la société véhiculée par le Cadre mondial et le Plan nature, il serait opportun d’élargir ou d’établir une instance supplémentaire multidisciplinaire regroupant une représentation des milieux gouvernementaux, scientifiques, privés, sociaux et d’économie sociale, autochtone, économique et de la jeunesse pour garantir la cohésion, la participation, et le suivi du progrès par l’ensemble des secteurs de la société.
À surveiller :
Les moyens consacrés à la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la société sont limités, particulièrement en comparaison aux moyens mobilisés pour les deux autres axes du Plan nature, ce qui rehausse la difficulté de mobiliser tous les acteurs ;
Il y a un manque de définition des mesures réglementaires qui devraient être prises ;
Il faudra surveiller que le Plan nature ne reste pas cantonné au MELCCFP, mais qu’il percole dans l’ensemble des ministères.
Axe 2 : Gestion « durable » de la biodiversité, un terme à définir
Le deuxième axe regroupe trois cibles visant à favoriser l’utilisation durable, principalement dans les secteurs de l’agriculture, de l’aquaculture et de la foresterie, et en élargissant l’accès à la nature auprès de la population québécoise. La deuxième plus grande somme de l’enveloppe de 922 millions, s’élevant à une hauteur de 326,2 millions de dollars, revient à cet axe.
Bien que cet axe mise sur le soutien et l’accompagnement des secteurs à fort impact sur la biodiversité, en identifiant particulièrement les secteurs agricole et forestier, une adaptation du cadre réglementaire pourrait accélérer la transformation de ces secteurs. Advenant que des indicateurs de suivi comme la proportion d’espèces durablement exploitées ou la proportion d’entreprises et de projets visant la durabilité n’atteignent pas les attentes au niveau du rythme, l’adaptation des cadres législatif et réglementaire gagnerait à être priorisée rapidement afin de réaligner la trajectoire d’ici 2030. Rappelons que le Cadre mondial appelle les parties prenantes, y compris tous les acteurs de la société et toutes les échelles de gouvernance, à adopter des plans d’action porteurs de changements transformateurs et que cela passe principalement par la révision de cadres législatifs.
Parallèlement, cet axe vise à favoriser l’accès à la nature aux membres de la société québécoise. Cette stratégie s’inscrit dans les efforts visant à augmenter la connectivité des communautés avec la nature, en promouvant par le fait même la reconnaissance et l’appréciation des services écologiques offerts aux humains, sur les plans social, sanitaire et culturel, notamment. Cet esprit va dans la lignée du Cadre mondial, qui aspire à sensibiliser les communautés aux bénéfices procurés par la nature et à transformer le rapport que nos sociétés entretiennent avec la biodiversité. Soulignons néanmoins que, même si le Plan nature ne le mentionne pas, une pluralité de valeurs peut être accordée à la nature, y compris la valeur intrinsèque qui va au-delà de la valorisation financière et utilitaire des services écosystémiques.
À surveiller :
Ce qui est entendu par l’adjectif « durable » n’est pas clairement défini ;
Bien que cet axe mise grandement sur le soutien et l’accompagnement des secteurs à fort impact sur la biodiversité, il n’y a pas mention de réforme des cadres législatifs et/ou réglementaires ;
Favoriser l’accès à la nature a son lot de bénéfices pour la société québécoise. Cependant, n’oublions pas que la nature regorge de bienfaits qui, même si l’humain n’en tire pas toujours un bénéfice direct, sont essentiels au maintien de l’équilibre des écosystèmes.
Axe 1 : la conservation de 30 % du territoire mise à l’avant-plan
Le premier axe regroupe cinq cibles visant à protéger et restaurer la biodiversité ainsi que les écosystèmes sur l’ensemble du territoire québécois, de manière à freiner et même inverser la perte de biodiversité. Les mesures de conservation comprises dans cet axe, comme la protection d’espèces menacées et vulnérables, l’aménagement d’aires protégées, la restauration d’écosystèmes et l’aménagement du territoire, jouissent de la plus grande part du financement dédié à la période 2024-2028. Avec un investissement de 466,9 millions de dollars, c’est plus de la moitié du budget alloué qui est dédié aux mesures de conservation du territoire stipulées dans l’axe 1.
Nous trouvons donc des investissements substantiels pour la protection et la restauration de 30 % du territoire terrestre et aquatique, conformément à l’une des cibles phares du Cadre mondial, la cible « 30 x 30 », qui vise à protéger 30 % du territoire en 2030.
Des mesures complémentaires, concernant notamment un aménagement du territoire qui veille à intégrer la biodiversité — comme l’élaboration d’outils d’aide à la décision territoriale —, seront bénéfiques pour une gestion du territoire intégrant la biodiversité dans le 70 % restant du territoire dont la protection n’est pas garantie. En effet, bien que la cible phare de protéger 30 % du territoire jouit d’une attention accrue, l’intégration du respect de la biodiversité dans l’ensemble de l’aménagement territorial est cruciale pour renverser la perte de biodiversité et pour aspirer à vivre en harmonie avec la nature, conformément à la vision du Cadre mondial à l’horizon 2050.
La notion d’intégration est d’ailleurs à la base de la réussite d’autres cibles dans l’axe 1 et des deux autres axes. Par exemple, la protection des espèces menacées ou vulnérables visées par la cible 4 ne peut pas reposer uniquement sur la protection de 30 % des écosystèmes terrestres et marins, car des espèces menacées ou vulnérables peuvent également se retrouver dans le 70 % du territoire restant non protégé. Autrement dit, la protection de 30 % du territoire n’est pas gage d’une gestion soucieuse de la biodiversité sur le pourcentage restant du territoire. La cohabitation des usages alliant la conservation, la présence des sociétés ainsi que les activités économiques et industrielles — dans le respect des limites écosystémiques — est donc importante sur l’ensemble du territoire.
À surveiller :
Les conflits d’usage du territoire pourraient compliquer l’atteinte de la cible des 30 %. Il reste à voir comment le gouvernement compte collaborer avec les communautés pour mettre en œuvre une véritable transition de certains secteurs, afin de renforcer l’acceptabilité sociale des projets.
Alors qu’une attention accrue et des ressources abondantes sont octroyées à la protection de 30 % du territoire, il y a un réel risque de délaisser la gestion durable du 70 % restant ;
L’intégration de la biodiversité devrait se faire sur l’ensemble du territoire, y compris dans le 70 % non protégé et dans l’ensemble des activités (économiques, industrielles, récréatives, etc.) — démontrant l’importance d’un cadre réglementaire et de concertation sérieuse.
Autres éléments à considérer
Les facteurs indirects de perte de la biodiversité : reconnus, mais quelles mesures concrètes pour s’y attaquer ?
Le Plan nature mentionne les menaces indirectes à la biodiversité, reconnaissant qu’elles trouvent notamment leurs sources dans les modes de production et de consommation de nos sociétés. En ce sens, il trace le lien étroit entre l’économie et la nature : alors que les différents secteurs de l’économie dépendent de la préservation de la nature, l’économie exerce simultanément des pressions majeures sur la biodiversité et les services écosystémiques. Reconnaissant cela, le Plan nature indique qu’il est crucial d’intégrer la biodiversité dans les systèmes de production et dans les standards de consommation, de manière à améliorer la circularité de l’économie québécoise.
Cette reconnaissance explicite des facteurs indirects (voir l’image ci-bas) exerçant de la pression sur la biodiversité est assurément un pas dans la bonne direction, mais les actions stipulées dans l’axe 3 du Plan d’action semblent se situer à un stade d’optimisation de nos modes de production et de consommation, plutôt qu’à un stade où on ose procéder à des changements transformateurs de notre société en vue d’éliminer nos pressions indirectes sur la biodiversité.
Facteurs directs et indirects du déclin de la nature, tiré du Résumé à l’intention des décideurs du rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et les services écosystémiques de l’IPBES
Par exemple, prioriser l’innovation sociale comme solution aurait le potentiel de s’attaquer aux facteurs indirects, allant au-delà de l’optimisme technologique qui s’inscrit dans l’optimisation du statu quo. Selon l’IPBES, le statu quo n’est pas une voie vers un avenir juste et durable (voir l’image ci-bas). Au regard de l’ampleur du grand chantier qu’implique de s’attaquer aux facteurs indirects de la perte de biodiversité, un axe complet aurait pu être consacré à cet aspect dans l’optique d’atteindre la vision 2050 du Cadre mondial.
Voies vers la durabilité, tirée du Résumé à l’intention des décideurs de l’évaluation méthodologique des diverses conceptualisations des multiples valeurs de la nature et de ses bienfaits, y compris de la biodiversité et des fonctions et services écosystémiques (évaluation des diverses valeurs de la nature et de leur estimation) de l’IPBES.
Favoriser des initiatives de sensibilisation et d’éducation par divers acteurs, comme indiqué dans l’axe 3, est essentiel, mais s’attaquer aux causes sous-jacentes pour renverser la perte de biodiversité nécessitera d’aller au-delà de la sensibilisation pour susciter une mobilisation effective et rapide de tous les acteurs de la société, ainsi qu’une intégration de la biodiversité dans l’ensemble des secteurs de la société. Dans cette mesure, la sensibilisation est primordiale si elle fait partie du chemin de réflexion et de révision de notre rapport à la nature et d’action collective.
Certaines conditions fondamentales absentes
Le Plan d’action ne traite pas de certains aspects clés dans un contexte d’urgence écologique, comme l’irréversibilité de certains dommages causés aux écosystèmes ou encore les points de bascule et de non-retour. En tenant compte de l’irréversibilité et la responsabilité des acteurs vis-à-vis de celle-ci, certains acteurs seraient mieux encadrés, allant au-delà de la sensibilisation et des mesures volontaires. Cela viendrait réitérer l’engagement du Québec à améliorer la qualité de vie des générations actuelles et futures, comme indiqué dans la vision 2030 du Plan nature.
La notion de transparence n’est pas mentionnée, quoiqu’il soit indiqué qu’une reddition de comptes sera effectuée. Des précisions sur ces aspects gagneraient à se retrouver, notamment, dans le cadre de suivi qui sera prochainement élaboré. S’il y a lieu, il est attendu que des ajustements sur le plan politique s’opèrent pour se conformer au cadre de suivi, notamment en ce qui concerne la réglementation encadrant l’utilisation des ressources naturelles, l’évaluation environnementale et les potentielles compensations.
L’idée de collaboration avec le gouvernement fédéral est totalement absente. Aucune référence à la Stratégie pour la nature du Canada 2030[1], dévoilée en juin 2024, ne s’y trouve. Parallèlement, rappelons que le Québec avait décidé de se tenir à l’écart de la stratégie canadienne, pendant qu’il terminait l’élaboration de son Plan nature. Pourtant les conflits de juridiction et de concertation dans l’élaboration de mesures de conservation sont bien réels, comme en fait foi l’actualité.
Et maintenant ?
Maintenant que le Plan nature et son plan d’action sont dévoilés, d’autres étapes sont à suivre. Tout d’abord, considérant que le plan d’action couvre la période de 2024 à 2028, celui-ci devra être renouvelé pour la période de 2029 à 2030, considérant que le Plan nature a été formulé à l’horizon 2030, à l’image du Cadre mondial. Le deuxième plan d’action, bien qu’il ne couvrira qu’un ou deux ans, devra veiller à combler les lacunes et à rehausser l’ambition pour atteindre les cibles à l’horizon 2030, année où se tiendra la COP 19 sur la biodiversité.
Afin de mesurer la progression et, au besoin, d’apporter des ajustements au Plan d’action, il serait approprié de procéder à une réévaluation annuelle du Plan nature, comme c’est le cas pour le Plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte (PEV). La COP16, qui se penchera particulièrement sur la mise en œuvre du Cadre mondial et sur l’élaboration d’indicateurs pour mesurer le progrès de son implémentation, risque d’offrir des pistes pour la réévaluation de la mise en œuvre du Plan nature.
Il faut le rappeler : la réussite du Plan nature reposera sur l’engagement et la cohérence interministérielle : l’ensemble de l’appareil gouvernemental devra s’aligner sur les objectifs du Plan nature pour faire en sorte que le respect de la nature ne soit pas cantonné à certains secteurs.
En somme, le Plan nature est une feuille de route devant permettre au Québec d’atteindre les cibles du Cadre mondial, dans le cadre de sa juridiction. En plus de la vision à l’horizon 2030 qui anime le Plan nature, rappelons que le Cadre mondial est doté d’une vision à l’horizon 2050, qui évoque un monde où l’humanité vit en paix et en harmonie avec la nature. Bien que cette vision laisse place à l’interprétation, qui peut être teintée par la région, la culture et l’histoire des divers endroits et communautés dans le monde, le Québec devrait dès maintenant traduire cette vision à l’échelle québécoise, afin de planifier et mettre en œuvre la transition et les changements transformateurs requis, en mobilisant et collaborant avec l’ensemble des acteurs au Québec au-delà de 2030.
À lire également :
Réactions au Plan nature 2030 :
Mémoire d’Ateliers pour la biodiversité, déposé dans le cadre de la consultation sur le Plan Nature.
Pour information :
David Roy
Directeur général, Ateliers pour la biodiversité
511-835-1080